ROMÂNIA ÎN ANUL MARII UNIRI – C [entum]
Revista Luceafărul (Bt), Anul – X
Primit pentru publicare: 19 Iul. 2018
Autor: Jean-Paul Gavard-Perret
Publicat: 20 Iul. 2018
Editor. Ion ISTRATE
Préface au volume des poèmes Mon amour abyssal, Ionuţ Caragea, Éditions Stellamaris, Brest, France, 2018
Ionuţ Caragea reste celui qui va devant mais qui ne peut s’empêcher de regarder un passé immémorial fait de gouffres amers. Est-ce la meilleure manière d’avancer? Pas sûr. Mais la quête poétique n’en est que plus riche car torturée. Cet immense poème d’amour en hommage à la beauté de l’aimée, la profondeur de son âme et de son visage migrateur n’empêche pas les jeux d’ombres et de lumière. L’élue semble là depuis toujours mais cela n’empêche pas au poète de rouvrir ses blessures d’une sorte d’incomplétude existentielle face à ce qu’il éprouve et a connu.
Tel Sisyphe, il roule dans les songes et les cendres, les villes et les montagnes. Dans la fraternité d’un manque d’espérance, d’une solitude et d’une mélancolie qui le hantent même s’il entend la rumeur du fleuve-corps de l’aimée. Avec elle, il connaît une tendresse étrange et son mystère de femme. Mais l’auteur reste néanmoins empli de doutes et d’incertitudes. Il évoque son impuissance créatrice (toute relative), ses révoltes et ses rêves, sa longue insomnie face aux « crachats » de ceux qui ne le comprennent pas. Néanmoins, il leur pardonne par avance, tant il connaît lui-même des affres de l’errance.
Grâce aux mains mémoire et au regard d’aurore de celle qui partage son existence, il est soudain proche d’une acmé. Mais il en demeure parfois éloigné car il éprouve un poids de flammes et de ténèbres. L’aimée est sa fable. Il reste son homme d’amour mais malade d’une angoisse existentielle qui rôde toujours dans les marges de la félicité et qui jaillit en des images réminiscences venues des temps les plus profonds et christiques.
Néanmoins Ionuţ Caragea rentre dans l’existence par celle qui devient la venante, transforme la vie en autre chose qu’une ombre revenante. Et face aux vieux démons de toujours, le titre Mon Amour Abyssal dit tout de ce qu’il en est de l’horreur et de l’extase de la vie.
L’amour et l’angoisse créent dans ce livre le mouvement perpétuel de l’ici et de l’ailleurs, du bel aujourd’hui et des terreurs passées. Reste à savoir ce que l’auteur va faire de tels lieux. Entre enfer et paradis, il a bien sûr fait son choix. Mais l’endosser ne soulage en rien les monstres intérieurs. Ne seraient-ils pas, tout compte fait, le mal nécessaire? Celui qui permet, au fond de soi, de se reconnaître et de puiser enfin dans la femme la jouissance suprême et partagée. Celle moins du corps que de l’âme qui échappe enfin aux pensées négatives?
Bref tant que l’amour perdure, la prostration, la crispation de ce qui peut malgré tout ressembler à des instants de lucidité prennent des virages contre la mort que l’on se donne et qui nous fut parfois donnée. Il existe donc bien dans cet Amour moins des abîmes que la merveille où plonger. L’éros déborde de son étoile le soleil noir de la mélancolie.
L’auteur une nouvelle fois espère contre la solitude inhérente à l’homme l’espérance d’un miracle aussi provisoire que perpétuel. Déferlent le réel et l’irréel comme dans chacune des œuvres du poète, fruits des terreurs passées mais tout autant d’un incessant avenir plus prometteur.
Face au dur désir d’être la femme, donc en rien la revenante, elle est toujours restée ici. Elle a toujours existé comme la porte ouverte dans les murs de l’existence. Elle dort aux côtés du poète et lui permet d’exister. D’autant que celui-ci ne se l’annexe pas, mais en devient l’hôte.
Contre l’appel du vide, elle ne sert pas seulement à le combler. Preuve que contrairement à ce que pensait Duras, l’amour n’est pas une maladie. C’est la seule addiction nécessaire et le bon alcoolisme. Il permet à l’auteur ce que l’on pourrait résumer d’une formule: « je traverse, j’ai été traversé ». Dès lors, sur le sable de l’amertume, l’amour est la pluie d’été.
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